L’histoire de l’Ours dans les Pyrénées
Le premier ours, l’hémicyon, est apparu il y a environ 20 millions d’années.
Les évolutions successives ont fait apparaître l’ancêtre de l’ours brun, il y 8 millions d’années : l’ours d’Auvergne ou ours étrusque. C’est de cette branche que descend le célèbre ours des cavernes (Ursus spelaeus) dont les premières traces remontent à 1,5 millions d’années.
Très répandu en Europe, il disparaît à l’époque aurignacienne (- 30 000 ans env.) qui coïncide avec l’explosion démographique humaine.
À la fin de l’ère tertiaire, les ours d’Auvergne et étrusques se répandent sous différents climats et donnent naissance en Chine, à l’ours brun actuel, il y a 600 000 ans environ. Il s’installe en Europe, dans les zones tempérées 250 000 ans avant notre ère.
L’occupation humaine a forcé le recul de l’ours brun vers les zones de montagnes, moins accessibles. Dès le 19ième siècle, en France, la population ursine n’existe plus que dans les Pyrénées et les Alpes. Depuis le début du 20ième siècle, l’espèce a connu un déclin rapide pour arriver dans les années 80 à une quinzaine d’individus puis à 6 (répartis sur les vallées d’Ossau et d’Aspe) au début des années 90.
Le programme de réintroduction vise à restaurer une population d’ours viable. L’histoire de l’ours brun des Pyrénées continue…
◼️ L’Homme et l’ours : une histoire de passions
L’histoire de l’ours dans les Pyrénées est une histoire de passions.
La cohabitation homme-ours a toujours été placée sous le signe de la concurrence. Jusqu’au 19ième siècle, les Pyrénéens vivaient essentiellement de leurs cultures situées en montagnes (vergers, céréales, légumes, miel, élevage). Une aubaine pour l’ours qui cumule le régime carnivore du loup et le régime végétarien du sanglier. L’on dit qu’à l’époque les nuisibles prélevaient environ 10% de la production, davantage que les impôts ! Alors, bien que l’ours fût appelé « le patriarche », il était avant tout un supermaraudeur à qui l’on attribuait beaucoup de vices (celui entre autres d’être attiré par les jeunes filles).
Battues à l’ours
L’ours, érigé en ennemi commun, fédérait les hommes. Aujourd’hui encore, on remarquera que le plantigrade continue de jouer à merveille ce rôle qui lui est dévolu.
Il fallait se débarrasser des individus les plus nuisibles. Pour cela, on organisait des battues. Certaines avaient lieu spontanément, faisant suite à un dégât causé par l’animal sur les cultures. D’autres étaient des battues administratives organisées par les louveteries en réponse à des plaintes. Ces battues, pouvant rassembler plus d’un millier d’hommes, étaient rarement efficaces.
Elles avaient par contre un intérêt tout à fait particulier : celui de rassembler les valléens, de resserrer les liens autour d’un même objectif.
Les tueurs d’ours étaient des héros
Cependant la chasse individuelle était largement plus lucrative et perdura de ce fait jusqu’à son interdiction en 1962 qui ne sera totale et définitive qu’en 1972 !
Tuer un ours n’avait rien d’une formalité et l’on ne vivait pas de la seule chasse à l’ours, même si certains hommes sont devenus des héros pyrénéens.
Il existait plusieurs techniques, de l’empoisonnement au fusil en passant par l’arme blanche, mais le fusil était évidemment le plus utilisé. La mort de l’animal suivait parfois des jours de traque. Une fois, l’ours abattu, le chasseur le présentait dans tous les villages de la vallée (et parfois au-delà).
En plus du statut de héros, il recevait de la part des habitants argent et vivres. La dépouille de l’animal donnait droit à une prime administrative (commune, préfecture ou syndicat de la vallée). Enfin, le chasseur vendait tête, pattes et peau comme trophées, la viande était achetée par les bouchers et les aubergistes (un certain tourisme émerge au 19ième siècle dans les Pyrénées) et la graisse entrait dans la composition de divers produits contre les douleurs, les chutes de cheveux… Finalement, le chasseur recevait l’équivalent d’un an de salaire d’un instituteur !
La chasse à l’ours était également prisée par les nobles et ce depuis le Moyen-Âge ! Ce type de chasse perdure encore de façon très réglementée dans certains pays d’Europe.
Un autre facteur de disparition de l’ours tient dans une histoire pyrénéenne toute particulière. Des conditions de vie très difficiles et une organisation socio-familiale spécifique ont contraint les pyrénéens à inventer des petits métiers regroupés sous le nom de colportage. Ils étaient vendeurs de boutons, de mouchoirs, d’almanachs, fabricants de sabots ou de bijoux.
Ils pouvaient être également montreurs d’ours. La réputation légendaire de l’animal concourait au succès. Il avait même des vertus magiques de guérisseur.
Ainsi, après avoir capturé les oursons (en évitant la mère, cela était relativement facile), ces derniers étaient nourris et dressés et parcouraient la France entière. Certains ont même traversé l’Atlantique. Mais les oursons ont commencé à se faire rares, et, comble de l’histoire, il a fallu importer des oursons des balkans !
Après un lent déclin, cette pratique disparaîtra entre les deux guerres.
De 1962 à 1982, l’Etat ne se penche pas réellement sur le problème, bien que certaines associations comme le FIEP, dans le Béarn, se battent déjà depuis 1976 pour sauver les ours, faisant face aux relations complexes des acteurs locaux.
En 1987, Jean-Jacques CAMARRA, spécialiste de l’ours brun, estime que la population ursine représente environ 15 à 20 individus sur l’ensemble de la chaîne pyrénéenne. On évoque pour la première fois l’idée du renforcement de la population. La suite, vous la connaissez.
Après une chute de la population à 6 individus en 1995, le programme de réintroduction, véritable réussite biologique, permet aujourd’hui de compter à nouveau 60 plantigrades sauvages sur la chaîne.
Au centre de débats parfois passionnés, le destin des pyrénéens et celui de l’ours restent étroitement liés.