Lâcher de l’ours Pyros en 1997 à Melles
De la genèse aux premiers lâchers
C’est au début des années 80, avec l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, que la France se soucie enfin réellement du devenir de sa population d’ours. Mais il est bien tard, les populations sont relictuelles et celle des Pyrénées centrales ne tarde pas à s’éteindre au tout début des années 90. Des études montrent pourtant que le massif reste très favorable pour l’ours.
C’est alors que 4 Communes de la Haute Vallée de la Garonne (Arlos, Boutx, Fos et Melles, sous l’impulsion de son Maire, André Rigoni) créent l’ADET, l’Association pour le Développement Économique et Touristique, dans le double objectif de restaurer la population d’ours et de valoriser ce patrimoine exceptionnel pour les populations locales.
L’association s’engage fortement aux côtés d’Artus et de l’État et propose les territoires de ses communes membres pour accueillir des ours. L’ADET et Artus concrétisent ainsi ensemble les premiers lâchers d’ours en France : les femelles « Ziva » et « Mellba » arrivent à Melles en 1996, et le mâle « Pyros » en 1997.
Malgré l’opposition et les difficultés, l’association ne varie pas dans ses objectifs, convaincue des synergies possibles entre patrimoine naturel et économie locale.
S’unir, se développer et résister, pour de nouveaux lâchers
Manifestation pour l’ours – Oloron 2004
Quand au printemps 2000 le député Bonrepaux fait voter à l’Assemblée Nationale le retrait des ours, l’association est en première ligne de la mobilisation, citoyenne et politique. Quelques mois plus tard, le texte est censuré par le Conseil constitutionnel, mais la mobilisation ne faiblit pas et se traduit notamment par la création de la Coordination Associative Pyrénéenne pour l’Ours (Cap Ours), qui continue de regrouper et coordonner le travail d’une vingtaine d’associations, locales et nationales.
Devenue « ADET Pays de l’Ours » sous l’impulsion de son nouveau Président, Maire d’Arbas, François Arcangeli, l’association s’ouvre à de nouveaux adhérents : professionnels, associations et particuliers. Élargie et renforcée, elle lance au début des années 2000 des actions et programmes de valorisation ambitieux, comme le « Réseau des Professionnels du Pays de l’Ours », les « Automnales du Pays de l’Ours » et le « Broutard du Pays de l’Ours ». Ces initiatives rencontrent un (trop ?) grand succès, les opposants à l’ours, notamment ariégeois, créent en réaction une milice chargée de saboter systématiquement et violemment toute initiative valorisant l’image de l’ours : les panneaux d’information sont détruits, les réunions publiques bloquées et les animations perturbées par des manifestations bruyantes et violentes. Il est tellement plus facile de détruire que de construire …
Ces programmes pourtant très positifs interrompus, l’association se recentre alors sur les actions de protection de l’ours car la population est loin d’être viable encore.
Ainsi, quand Cannelle, la dernière femelle de souche pyrénéenne est abattue en vallée d’Aspe le 1er novembre 2004, l’association est de nouveau en première ligne pour militer en faveur de nouveaux lâchers. Nous obtenons enfin le premier « Plan de restauration de la population d’ours dans les Pyrénées », pour la période 2006-2009. Le contexte politique en Pyrénées-Atlantiques, verrouillé par Jean Lassalle et l’IPHB, ne permet malheureusement pas encore d’y lâcher des ours. Les cinq nouveaux ours voulus par le Président Chirac sont donc lâchés en 2006 là où une volonté locale s’exprime : au « Pays de l’Ours ». Malgré la violence des opposants, trois arrivent à Arbas, une à Burgalays (2 Communes adhérentes « Pays de l’Ours »), et une à Bagnères de Bigorre, sur notre proposition.
Vers les premiers lâchers en Béarn
Le nouveau « Plan Ours », censé prendre la suite en 2010, se fait attendre. Sous la pression associative et de l’Europe, l’État envisage enfin de lâcher une ourse en Béarn en 2011, mais Nicolas Sarkozy y renonce finalement face au chantage politique des lobbies agricole et cynégétique.
Alertée par les associations, la Commission européenne lance une procédure pré-contentieuse et met la France en demeure d’agir en novembre 2012.
Il faut alors « remettre la pression ». Le tandem historique ADET – Artus (renommées entre temps Pays de l’Ours – Adet & Ferus) reprend l’initiative : trois années de suite nous déposons des demandes d’autorisation de lâcher nous-mêmes les ours nécessaires, en Pyrénées centrales comme occidentales. Les refus répétés de l’État justifient un dépôt de plainte conjoint Pays de l’Ours – Ferus en avril 2015 pour « manquement de l’État à son obligation de restauration de la population d’ours ».
L’ours Goiat
De son côté, la Catalogne lâche le mâle Goiat en 2016 dans le cadre d’un programme européen « Life », avec l’espoir qu’il remplace Pyros dans le rôle de reproducteur dominant pour apporter un peu du sang neuf nécessaire.
En Pyrénées occidentales, la situation devient critique : les deux mâles restant quittent de plus en plus souvent et de plus en plus longtemps le Béarn. Si on y lâche pas rapidement des femelles, l’ours risque de disparaître de l’ouest des Pyrénées.
Au printemps 2017, Nicolas Hulot devient Ministre de l’Écologie, l’espoir renaît. Il est en effet un soutien constant de la cause de l’ours.
L’annonce de nouveaux lâchers tarde, les associations relancent la mobilisation : un sondage montre que les Français restent très favorables à l’ours, y compris les Pyrénéens. Il en est de même à l’issue de la consultation publique lancée par l’Etat. Enfin, un heureux hasard fait tomber le jugement de la plainte Pays de l’ours – FERUS déposée en 2015 le 6 mars 2018 : la condamnation de l’État par le Tribunal Administratif de Toulouse pour manquement à la protection de l’ours donne à Nicolas Hulot le dernier argument nécessaire pour convaincre Emmanuel Macron. Il autorise enfin le lâcher de deux ourses, Sorita et Claverina, qui arrivent en octobre 2018 en Béarn.
En échange de ces lâchers et de la publication d’un nouveau Plan Ours pour 2018-2028, le Gouvernement français obtient l’abandon des poursuites entamées par la Commission Européenne en 2012.
L’ourse Sorita dans sa cage de transport juste avant son lâcher
Et l’histoire ne fait que commencer …
Pays de l’Ours – Adet est un acteur majeur du retour de l’ours dans les Pyrénées. Depuis 1991, l’association est soit initiatrice soit très impliquée dans les différentes opérations de lâchers qui ont permis d’éviter la disparition de l’espèce en France, et même d’en multiplier l’effectif par 10 en un peu plus de 20 ans.
Fin 2020, Sabine Matraire a pris la succession de François Arcangeli à la Présidence de l’association.
La conservation de l’ours brun dans les Pyrénées reste un dossier sensible et difficile. L’histoire montre que les obligations légales européennes, pourtant anciennes, ne suffisent pas. La mobilisation des citoyens et des acteurs locaux reste indispensable pour terminer la restauration d’une population viable d’ours dans les Pyrénées, et Pays de l’Ours – Adet continuera d’y prendre toute sa part avec votre soutien.