TRIBUNE
◼️ Pas de Pyrénées sans ours !
Tribune publiée sur LeMonde.fr le 12 octobre 2016
Les scientifiques alertent de façon réitérée sur la gravité de la crise qui frappe le vivant dans toute sa diversité, à tel point que cet effondrement ne serait rien de moins que la sixième grande crise d’extinction qu’aurait connu notre planète.
Cette dernière est inédite, d’une part, au regard de la vitesse à quelle les espèces disparaissent et, d’autre part, en raison de la responsabilité d’une seule espèce, l’Homme, dans ce processus d’érosion. Ce phénomène ne se réduit pas uniquement aux espèces évoluant en pleine savane africaine ou au coeur de l’Amazonie mais impacte également des milliers d’espèces européennes. Inévitablement, la France est concernée et même les espèces qui peuplent depuis toujours l’imaginaire de l’homme, tel que l’ours des Pyrénées, sont en risque de s’éteindre définitivement.
En particulier, la survie du plantigrade dans les Pyrénées occidentales ne tient plus qu’à un fil, ou plus précisément qu’à la vie de deux mâles. Cette situation, d’une extrême fragilité, implique nécessairement à très court terme la réintroduction d’ourses, selon un rapport du Muséum National d’Histoire Naturelle issu d’une demande du ministère de l’environnement pour établir un plan de sauvegarde robuste. Que ce soit pour le noyau des Pyrénées centrales qui comprend une petite trentaine d’ours, ou à fortiori pour celui extrêmement réduit des Pyrénées occidentales, ce rapport précisait que de nouveaux renforcements étaient indispensables pour éviter la consanguinité et permettre la diversité génétique qui seule assurera la viabilité de l’espèce sur la chaîne pyrénéenne. Cette perspective est absolument vitale pour ne pas réduire à néant plusieurs décennies d’efforts en faveur de la biodiversité et de la cohabitation entre l’ours et le pastoralisme.
Il faut se rappeler qu’après des décennies de destruction, la population française d’ours semblait condamnée à l’extinction avec deux noyaux totalisant une dizaine d’individus, et que sans des renforcements débutés en 1995 cette espèce aurait simplement disparu de notre pays. Sur le fond, la présence de l’ours est étroitement liée à l’identité profonde des Pyrénées et à la conservation d’un patrimoine culturel qui vit au travers de nombreux mythes, légendes, dictons, blasons ou carnavals.
Ce précieux et riche univers culturel et naturel est un véritable atout pour le développement d’un tourisme durable dont certaines collectivités locales, comme la communauté de communes de la vallée d’Aspe, se saisissent pour créer de l’emploi local et préparer l’avenir. Au sein de cette même vallée, une majorité de citoyens, de bergers de la zone à ours, d’élus et d’acteurs économiques sont aujourd’hui favorables au maintien d’une population d’ours. Les mentalités changent car la conservation de l’ours et sa présence sont en réalité un sujet qui dépasse de loin la seule question de la biodiversité.
Le dernier obstacle est donc politique, et ce choix appartient aujourd’hui pleinement au Gouvernement. Le temps presse à la fois en raison du calendrier politique et des réalités biologiques. Après le vote de la loi pour la reconquête de la biodiversité, la création d’une agence nationale dédiée, dans le contexte du soutien que la France porte à la conservation des grandes espèces sauvages d’Afrique ou d’Asie menacées d’extinction et dans la perspective de la Convention pour la Diversité Biologique au Mexique à la fin de l’année, une décision concrète en faveur de la réintroduction immédiate de deux ourses serait un pas supplémentaire et concret vers l’indispensable réconciliation que nous devons opérer avec le vivant.
Nicolas THIERRY, Vice-Président du Conseil régional Nouvelle-Aquitaine en charge de l’environnement et de la biodiversité
François ARCANGELI, Président de Pays de l’Ours – Adet, Conseiller régional d’Occitanie, Maire d’Arbas
Jean-François DARMSTAEDTER, Président de Ferus
Gérard CAUSSIMONT, Président du Fonds d’Intervention Eco-Pastoral
Denez L’HOSTIS, Président de France Nature Environnement
Pascal CANFIN, Directeur général du WWF France