◼️ La mortalité des brebis dans les Pyrénées et l’incidence de l’ours brun
Les pertes de bétail, on n’en parle pas… sauf quand il s’agit de l’ours !
Au point que l’on pourrait croire qu’il est la principale cause de mortalité. Et pourtant…
S’il est un sujet tabou dans le milieu agricole, c’est bien la mortalité parmi le cheptel domestique. Admettre que l’on perd des bêtes, c’est comme avouer être un « mauvais éleveur »…
Ainsi donc, on n’en parle pas … sauf quand il s’agit de l’ours ! Au point que l’on pourrait croire qu’il est la principale, voire la seule cause de mortalité. On dit même qu’il menace le pastoralisme dans les Pyrénées…
Mais commençons par le début : combien de brebis meurent par an en France, et dans les Pyrénées ?
Ces chiffres ne sont pas directement accessibles, sans doute du fait de la pudeur évoquée au début, mais on parvient tout de même à obtenir des estimations fiables. Et elles sont surprenantes !
La mortalité ovine en France
Chaque année, plus de 445 000 Tonnes d’animaux morts sont collectées au sein des élevages français par les sociétés chargées de l’équarrissage .
Les ovins-caprins représentent 8%, soit environ 890 000 bêtes, dont environ 750 000 ovins.
Ainsi, plus de 2 000 ovins meurent en France chaque jour.
La mortalité ovine dans les Pyrénées
Il est possible d’estimer la mortalité ovine pyrénéenne à partir de sources officielles et fiables.
Pour cela, nous devons distinguer et ajouter la mortalité en estives et la mortalité sur les exploitations.
La mortalité en estives
Selon de nombreux éleveurs, dont un de leurs représentants témoignant en 2003 sous serment devant la commission d’enquête parlementaire sur le pastoralisme, elle s’élève de 3 à 5% des troupeaux . Cela représente donc 18.000 à 30.000 pertes par été sur les 600.000 brebis présentes en montagne chaque été.
Ces animaux ne passent pas par l’équarrissage, ils sont « laissés aux vautours ».
La mortalité sur les exploitations
La société assurant l’enlèvement des animaux morts collecte chaque année environ 150 000 ovins-caprins sur 14 départements du Sud-Ouest .
Une simple règle de trois en fonction de la répartition ovins-caprins puis du nombre de bêtes par département permet de ramener ces chiffres aux départements pyrénéens, soit 25.000 à 30.000 brebis mortes collectées annuellement par l’équarrisseur.
Rappelons qu’elles s’ajoutent bien aux animaux morts en estive qui ne sont pas collectés mais « laissés aux vautours ».
Synthèse de la mortalité ovine annuelle dans les Pyrénées
L’estimation de 50.000 brebis mourant chaque année dans les départements pyrénéens est donc crédible et fiable.
Les causes sont diverses : maladies, parasites, accidents, foudre, prédation …
Ces chiffres sont cohérents avec les informations diffusées par la chambre d’agriculture de l’Ariège sur son site internet. On y trouve des fiches synthétiques du fonctionnement des exploitations pastorales pyrénéennes, lesquelles font état de taux de mortalité annuelle de 6 à 8 % et jusqu’à 9,6% en Ariège, soit près de 7 300 ovins morts par an pour ce seul département …
Ainsi, 1 000 brebis meurent chaque semaine dans les Pyrénées, soit plus d’une centaine par jour.
On ne peut traiter de la prédation due à l’ours sans garder ces chiffres à l’esprit.
La prédation par l’ours brun dans les Pyrénées
L’indemnisation des dégâts d’ours
Dans les Pyrénées, la prédation par l’ours (ou le loup en Pyrénées-Orientales) est la seule cause de mortalité systématiquement indemnisée par l’Etat.
Après expertise, l’éleveur dont le troupeau a été victime d’une attaque d’ours est indemnisé d’une somme recouvrant trois aspects :
- La valeur de la bête, au cours du marché
- Une indemnisation pour « manque à gagner » (l’agneau ou le lait qu’aurait fait cette brebis)
- Une prime de dérangement, forfaitisée par attaque, pour compenser le temps passé pour la déclaration et l’expertise sur site.
En moyenne, en se basant sur une moyenne de 2 brebis tuées par attaque (1,6 en réalité), chaque brebis tuée donne lieu à une indemnisation de 250 euros environ.
Notons qu’aucune autre cause de mortalité ovine n’est si bien indemnisée. A titre d’exemple, les brebis mortes de la fièvre catharrale ovine (FCO) ont été indemnisées 92 euros par tête.
A cela, il faut de plus ajouter un complément prévu en cas de « gros dégât », si l’ours tue un grand nombre de brebis d’un coup (dérochement) ou s’il tue en plusieurs fois de nombreuses brebis d’un même éleveur. Globalement, l’indemnisation par brebis perdue peut alors dépasser 300 euros.
Des brebis sont également indemnisées « au bénéfice du doute » par une commission statuant au cas par cas quand l’expertise n’a pu écarter la responsabilité de l’ours, ou sur demande de l’éleveur.
Le système d’indemnisation des dégâts d’ours en vigueur dans les Pyrénées est à l’échelle européenne le plus rapide, le plus complet et le plus généreux.
Historique et bilan 2011
Les fluctuations, et les pics ne sont pas fonction du nombre d’ours dans les Pyrénées (cf graphique 2), mais d’épisodes d’attaques plus nombreuses généralement dus à un seul individu, et le plus souvent dans le département des Hautes-Pyrénées : Néré en 2000, Papillon en 2003, Franska en 2007.
En 2011, le bilan s’élève à 176 bêtes en 101 attaques. 134 bêtes supplémentaires ont été indemnisées au bénéfice du doute, c’est-à-dire sans que la responsabilité de l’ours ait pu être montrée.
Graphique 1 : Attaques et nombre de brebis tuées par an dans les Pyrénées de 1996 à 2011 (ONCFS Equipe Ours)
Graphique 2 : Evolution de la population d’ours dans les Pyrénées de 1995 à 2011 (ONCFS Equipe Ours)
Incidence de l’ours sur la mortalité des brebis dans les Pyrénées
En 2011, chaque ours en âge de prédater a commis 5,6 attaques en moyenne, tuant 1,7 brebis par attaque.
Sur l’ensemble des Pyrénées françaises, il y a ainsi moins de deux dégâts d’ours par jour de transhumance, alors que 250 à 300 autres brebis meurent quotidiennement de chutes, maladies, parasitisme, foudre, prédation (autre que l’ours) …
Y compris en intégrant les pics individuels, le nombre de bêtes tuées par l’ours est toujours resté en deçà de 350 par an, soit moins de 1% des pertes globales.
Cela montre bien le caractère peu prédateur de l’ours dans les Pyrénées qui privilégie les autres sources de nourriture, comme le confirme les études de son régime alimentaire (cf. graphique 3).
Graphique 3 : Diagramme alimentaire de l’ours brun dans les Pyrénées (ONCFS Equipe Ours)